Thursday, September 2, 2010

Lettre ouverte à Monsieur Louis Necker, Directeur Honoraire du Musée d’Ethnographie de Genève

Lettre ouverte à Monsieur Louis Necker, Directeur Honoraire du Musée d’Ethnographie de Genève

La décision de couper des arbres pour agrandir votre musée d’ethnographie n’a aucun lien avec les pratiques amérindiennes. En tant que représentants de la culture dominante vous manipulez les savoirs premiers pour servir vos propres dessins et convenances. Vous dénaturez l’essence de nos savoirs pour en rendre une image dans laquelle aucun Ancien-ne ne se reconnait. Vous continuez de nous exploiter artistiquement, culturellement, politiquement et spirituellement



Vous prétendez que « les indiens ne cessent d’abattre des grands cèdres pour fabriquer leurs totems » Vous affirmez que le musée valorisera les pratiques de développement durable de nos peuples, et ajoutez que « ces arbres seront remplacé s par d’autres » Ceci dénote d’un système de connaissance pauvre en mondes et s’inscrit dans une logique « progressive » de séparation d’avec la réalité naturelle

O-to-tem signifie « tu es de ma famille » en langue algonquine. « Famille » est à comprendre au sens de peuple,», ce qui désigne les arbres autant que les humains. . Non Messieurs, le Peuple n’abat pas ses parents pour les remplacer par de nouveaux dieux.



Vous allez construire un temple de plus, dédié à l’autosatisfaction. Contrairement à ce que vous affirmez, ce que vous appelez «vos « pièces » n’appartiennent pas aux genevois, pas plus qu’au musée. Elles appartiennent encore aux peuples et aux esprits qui en connaissent le sens.

Vous prétendez que votre musée contribuera à la préservation des espaces naturels qui sont encore les habitats de nos peuples. Permettez-moi d’en douter, si j’en crois le manque de connaissance dont vous faites preuve à l’égard de votre propre histoire.



L’homme dit civilisé s’est drastiquement coupé de la nature et vit dans l’ombre de la réalité, c'est-à-dire dans sa seule représentation, qu’il définit comme culture ou comme science, selon ses besoins immédiats. Pareille conception du monde est purement anthropocentrique. Vos linguistes nomment « environnement » la nature et « arbres » les grands pères ; les esprits vous les considérez comme des objets, et si vous daignez y attribuer une valeur, c’est en tant que « pièce » de collection.

Du temps de vos lointains ancêtres il vous était acquis que la nature était vivante. Mais depuis le 17ème siècle, un nombre croissant de vos érudits en sont venus à envisager l’univers comme une pièce morte Depuis, grâce à l’apparent succès de la technologie, la théorie mécaniste fondée sur l’orthodoxie officielle qu’est l'économie de développement est devenue une religion. Celle-là qui vous vaut la crise actuelle.

La conscience d’une nature vivante a de profondes implications . Elle bouleverse les habitudes et pointe vers un type de compréhension (du lakota « ancien, sacré »), une relation cohérente entre l'humanité et le monde vivant. Il est urgent de trouver des moyens pratiques de rétablir votre sentiment conscient de connexion avec la nature. Vous n’avez pas de temps à perdre et pas un arbre à abattre pour cela.

Animistement,,

Atjecoutay, Anishinabe.

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